Artère indispensable au développement de notre scène musicale, la distro reste un exercice fastidieux et qui pourrait paraitre presque ingrat. Seulement c'est sans compter sur la passion qui anime ces activistes, toujours prêt à partager les disques d'hier et d'aujourd'hui. Rencontre avec Alexis de Straight & Alert distro, histoire de voir qui se cache derrière cette adresse que certain aiment à retrouver derrière leurs colis.
Comment en es tu arrivé à développer une distro ? Quelles difficultés à tu rencontrés au début ?
(et actuellement)
A la base c'est mon pote Simon avec qui je jouais dans Money Time qui avait il y a 3 ans une petite distro sur Angers et qui me fournissait en galettes de hardcore pas évidentes à trouver enFrance. Mais il a dû arrêter lorsqu'il est parti finir ses études en Angleterre. A peu près à la même période, l'idée me trottait dans la tête de commencer la mienne, c'était donc une occasion à la cool. J'ai récupéré son stock et commencé à faire 1 ou deux commandes. J'ai commencé avec 5 ou 6 références .Tout ça évidemment était aussi motivé par le fait que je fasse parti depuis quelques années de cette belle famille des geeks / collectionneurs de disques, même si paradoxalement, depuis que j'ai la distro je me suis calmé, et ce n'est pas plus mal sinon je n'aurai définitivement plus de place dans mon salon ! Au niveau des difficultés à vrai dire je n'en vois pas tellement si ce n'est les caprices du cours de l'Euro / Dollar qui me fait un peu flipper parfois. Deux autres difficultés majeures sont l'investissement en temps (et en argent) nécessaire et la place pour entreposer tout le stock. Pour résumer : nuits courtes et bordel dans l'appart.
Comment fais tu pour te procurer tes articles ? Est ce que tes choix perso influent sur ton stock ?
J'essaye de me renseigner sur le net essentiellement pour connaître les dernières sorties, et j'ai mes indics ! Pas mal de potes me rencardent sur les nouveaux trucs en vogue quand je passe à côté. Ensuite j'essaye d'avoir une certaine logique dans les disques que je propose et j'essaye de couvrir le Hardcore (et dérivé) de manière assez large ( plus dans le temps que dans les styles peut être). J'aime aussi bien proposer les classiques comme Black Flag, Minor Threat ou Youth Of Today mais aussi des démos ou 7" de groupes inconnus mais pour lesquels j'ai eu un coup de cœur. Evidemment mes choix persos influent sur les disques que j'ai en stock. C'est assez rare que je commande des trucs que je n'aime pas un tant soit peu. Après si un type me demande le dernier Korn et que je peux lui avoir, pas de soucis. Mais disons que ma priorité est quand même d'essayer de distribuer des disques de groupes / labels que j'apprécie.
As tu un coup de coeur en ce moment ?
Il y a quelques groupes qui m'ont mis des claques dernièrement. Minority Unit (Los Angeles Hardcore!) , Inherit (Crossover / NYHC anglais) ou encore Good Times, un groupe du New Jersey qui m'a proposé de distribuer une version limité de leur 7" (31 exemplaire) avec une pochette différente juste pour Straight & Alert ! Vu que les mecs sont cool et que leur musique tue je n'ai pas hésité une seconde. Si tu aimes les trucs à la Rotting Out / Minority Unit / Not Sorry jettes-y une oreille http://goodtimes.bandcamp.com.
Il y a aussi des trucs qui ont déjà quelques mois / années que je me repasse en boucle en ce moment comme Free Spirit ( Straight Ahead ! ), Rampage ( The Rival Mob rencontre le NYHC de Outburst) ou encore toute la discographie de True Colors qui reste mon groupe préféré, toutes époques confondues, aux coudes à coudes avec Youth Of Today.
Tu proposes aussi un blog où tu présentes des groupes par le biais d'interview ou des chroniques
de disques, pour toi n'est-ce pas une projection à la posture du disquaire de magasin indé, sympa
et dans le partage de bons disques ?
En effet j'essaye de parler sur le blog de disques / groupes pour lesquels j'ai eu un coup de cœur et je tente de le faire partager aux gens. C'est vraiment ce côté qui manque quand tu ne fais presque que du mailorder, c'est l'échange et le dialogue avec la personne en face. C'est beaucoup moins plaisant de parler d'un disque par mails interposés. J'essaye donc autant que ce peu de faire vivre le blog mais encore une fois c'est le manque de temps qui m'oblige à le laisser un peu de côté.
Réussis tu à entretenir certaines relations avec tes « clients » ? Je veux dire à quel niveau se situe
l'échange ?
Oui bien entendu. J'ai eu la chance de faire la connaissance d'un paquet de gens supers depuis que j'ai commencé la distro. Certains sont devenus de bon cyber-potes, dans l'attente de les rencontrer dans la vraie vie. C'est aussi surement dû au fait que ce milieu ( le hardcore punk) reste un truc assez indé / petit ou le contact est plus facile qu'ailleurs. Il y a bien sûr des personnes avec qui les échanges restent très brefs mais dans la majeure partie des cas quand on me contacte par mail j'essaye de ne pas répondre comme si j'étais le SAV de Darty. Un autre truc très plaisant est de rencontrer au détour d'un concert les personnes avec qui j'échange par mails depuis un moment . Je pense que l'échange est important, aller un peu plus loin que recevoir un chèque, envoyer des disques, merci, au revoir.
Concrètement, combien de temps la distro te prend en une semaine ?
Oula… si je fais un bref calcul on doit être entre 20 et 35h par semaine, selon l'activité sur le site. C'est un peu le côté difficile, surtout avec un taf à plein temps à côté et la vie de couple ! Mais comme je le disais plus haut, je fais des nuits courtes et ça passe à peu près. Après ça ne me dérange pas plus que ça, j'adore faire ce que je fais et je pense être quelqu'un de bosseur donc c'est plus mes potes et ma copine que ça emmerde !
Penses tu que le développement d'internet à largement contribué aux initiatives comme la
tienne ?
Oui c'est évident, la majeure partie de mon activité se passe via internet. Les commandes aux labels, les news aux clients, les ventes, les questions… Tout passe par internet. Je ne sais pas si j'aurai pu monter un truc comme ça si internet n'avait pas existé. Ça m'aurait surtout coûté un bras en facture de téléphone pour passer les commandes aux USA ! A côté de ça, je ne sais pas si internet n'a pas contribué à tuer à petit feu les disquaires indés. Je n'ai pas l'expérience ni le recul pour m'exprimer la dessus. Ce qui est sûr c'est que désormais la musique est bien plus accessible aussi bien "virtuellement", par le téléchargement, que "physiquement" car si tu cherches absolument un LP il te suffit d'aller sur Ebay ou Disco(g) et il y a de grandes chances que tu trouves ton bonheur.
Tu fais de la guitare dans No solutions ! Tu peux me parler un peu de ce groupe ?
No Solution! c'est un groupe de hardcore influencé par le youth crew des 80's ( Youth Of Today / Brotherhood/ Turning Point) et celui des 00's (True Colors / Loud And Clear) qu'on a monté il y a à peu près 2 ans et demi avec Alexis du fanzine Gonna Make It, Antoine de Black Page / This Is Your Scene et Jolan. Regis a ensuite remplacé Jolan à la batterie après environ 1 an. On a sorti une démo avant l'été 2011 et fait quelques concerts. On est censé faire une petite tournée euro (France / Allemagne / Belgique) avec les américains de Truth Inside début avril. On aimerait jouer d'avantage et sortir un 7" mais les choses sont un peu compliquées depuis que notre batteur a dû s'exiler àQuimper.
Notre démo est en téléchargement gratuit sur notre bandcamp . Voilà pour la pub héhé.
Quel est ton point de vue sur la scène hardcore en général ? Je suis sûr que tu as des choses à
dire
Oula… on s'attaque à un problème de taille là ! Je ne pense pas faire avancer le schmilblick en apportant mon point de vue la dessus mais peu importe. Il y a pas mal de trucs négatifs qui me foutent un peu en boule. Le manque de curiosité premièrement : si tu ne fais pas jouer Terror ou des groupes archis connus, tu peux être sûr de te prendre une taule à ton orga, même si les groupes sont mortels. Il faut trop souvent prendre les gens par la main ou leur mettre les trucs tout cuits dans la bouche. Ensuite vient le manque d'investissement, mais là je conçois bien que tout le monde n'a pas le même rapport et envie de s'investir la dedans. Je ne blâme personne, ça serait stupide, ça m'énerve juste de voir que c'est les mêmes personnes qui depuis des années font des groupes / organisent des concerts / font des zines /des distros… Et qu'un paquet de gens gravitent autour sans se soucier des efforts mis en jeux pour parvenir à quelques choses. Toutes cette masse de gens qui, si du jour au lendemain il n'y a plus de concerts ou de groupes dans leur ville, ne va pas pour autant s'emmerder à monter une asso et aller démarcher les salles ou prendre une guitare et faire de la zik. Encore une fois personne n'est à blâmer, mais c'est juste déplorable. Bon et puis arrêtez avec le (metal) hardcore à la française, c'est la plaie du pays ! A côté de ça je pense qu'il y'a tout de même des choses bien. Des valeurs qui malgré tout sont défendues, même sans en parler sans cesse dans des colonnes de zines ou sur scène. Le DIY par exemple, qu'on le veuille ou non est quelque chose de bien présent. Après tout on (au sens le plus général du terme) est qu'une bande de gamins qui arrivent pour certains à tourner à travers le monde ou monter des labels avec un rayonnement international. C'est beau non ? Quoi qu'il en soit il y'a un message qui m'avait marqué dans un zine il y a quelques années et qu'il me semble important de continuer à faire entendre : BOUGEZ VOUS LE CUL ! Faites des groupes, des zines, des orgas de concerts… soyez actifs car cette scène ne vit que par et pour ses acteurs. Voilà le moment moralisateur / posi est terminé !
As tu des conseils pour les kids désireux de se lancer dans une telle aventure ?
Attendez la fin de la crise ahha ! Nan plus sérieusement je ne sais pas si je suis en positions de donner des conseils à qui que ce soit. Je ne crois pas que ce soit vraiment compliqué à condition d'être déterminé et d'aimer bosser un tant soit peu, si on ne veut pas faire les choses comme un clodo. Car outre l'aspect cool de vendre des disques il faut aussi faire un peu de compta et de gestion / développement de site web. Ça peut sembler être la partie chiante mais au final c'est assez intéressant de devoir toucher à des tas de choses dans des domaines divers et variés.
Tribune libre
Tout d'abord un grand merci à toi et Sedition pour m'offrir l'opportunité de m'exprimer. C'est toujours un plaisir. Sinon pour en dire un peu plus sur Straight & Alert, je compte cette année commencer un label (sous le même nom) et dans un premier temps cibler essentiellement sur du repressage de disques hardcore dits "classiques". J'ai déjà quelques pistes et contacts avec un gros nom pour la première sortie mais pas d'affolement tant que rien n'est fait. J'aimerai pouvoir développer le truc afin de sortir des disques à la cool qui ne sont plus trouvables que sur Ebay.
Sinon si vous avez une heure à perdre, faites-vous une faveur et regardez
Peace !
g-rom